Editorial
L’étude de François Rastier s’inscrit dans un ensemble de recherches portant sur les questions controversées de la colonisation, de la décolonisation et des thèmes associés, comme l’identité culturelle, la race ou le genre. L’auteur en effectue une lecture critique pour situer les interprétations idéologiques et les enjeux qu’elles sous-tendent, et les resituer en fonction de la complexité du domaine abordé et des principes méthodologiques et scientifiques que requiert sa saisie globale.
Yves Beigbeder et Benjamin Ferencz rappellent, en référence à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, que la visée des empires repose comme jadis sur le mythe inébranlable d’une l’identité culturelle éternelle et des moyens sans retenue qui assurent sa domination aux dépens de tout autre projet politique. Si toute notion de droit, individuel ou collectif, national ou international, adoptée depuis le procès de Nuremberg s’y trouve jetée aux poubelles de l’histoire, la Cour pénale internationale (CPI) est appelée avec d’autres institutions à en assurer la pérennité.
Dans cette même perspective, Corinne Lepage renvoie aux diverses conventions internationales relatives aux lois et droits de l’humanité adoptées avant Nuremberg dès le tournant du XXe siècle. Elle souligne les innovations enregistrées jusqu’à la proposition de la Déclaration universelle des droits de l’humanité (DDHU), qui énonce que l’humanité est sujet de droit et inclut à cet égard la notion de patrimoine de l’humanité, laquelle englobe, outre les biens culturels, la dimension écologique, alimentaire, sanitaire, économique et la sécurité au niveau politique.
Toujours dans cette perspective, Scott Straus analyse le concept de génocide au départ des débats qu’il suscite. Ce concept est en effet sujet de multiples interprétations concurrentes et doit être traité, selon l’auteur, en tenant compte de ses usages contradictoires afin de parvenir à une définition aussi claire que possible, au-delà notamment des connotations associées depuis son apparition aux notions collectives de type essentialiste et identitaire.
Le texte commun de Aït Ali Abdelmalek, Paul Ghils et Vera Kopsaj aborde la question de la structuration sociale d’un point de vue sociologique pour les premier et troisième auteurs, philosophique pour le deuxième. L’approche consiste d’une part à démêler les interactions entre individus et société et les controverses théoriques dont la « demande sociale » est l’une des expressions, et à situer d’autre part, dans un contexte historique, multiculturel et philosophique, les facteurs qui concourent à leur hiérarchisation dans la psyché humaine, entre données scientifiques et projections de l’imaginaire.
L’article de Nicole Morgan rouvre un chapitre qui reste d’actualité, dans le prolongement de la publication de son ouvrage Haine froide. À quoi pense la droite américaine en 2012. L’auteure examine l’emprise de la philosophie politique et des idéologies religieuses comme de la poussée de l’imaginaire sur l’évolution des institutions politiques et la répartition des pouvoirs dans le monde et en particulier aux États-Unis, où les facteurs conflictuels engendrent un climat particulièrement destructeur.
Paul Ghils